Nous reproduisons ici l’article tel qu’il est paru dans le journal « l’union » du samedi 10 février 2007.
Jeudi, ils étaient 170 Champardennais à se rendre en Pologne, à Auschwitz. Des élèves de trois lycées rémois et de celui de l’Argonne.
Une journée gravée à jamais dans leurs mémoires.
Reportage à Auschwitz de Jérôme Gorgeot
![]() Une expérience unique pour ces jeunes qui ont su se comporter avec beaucoup de dignité. |
Journée émotion, mais aussi journée marathon que ce jeudi 8 février. A titre d’exemple, les 24 élèves du LEP de l’Argonne prenaient le bus à 4 heures du matin depuis Sainte-Ménehould. Décollage de l’aéroport de Vatry à 7 h 30, pour un retour assez tard en soirée.
Et chose remarquable à souligner : le comportement exemplaire de ces adolescents, tout au long de cette aventure pédagogique pourtant éprouvante tant émotionnellement que physiquement.
Le camp à côté des maisons
Mais Auschwitz n’est évidemment pas un voyage d’études comme les autres. Au moins 1.3 million de personnes y ont été déportées dont 1,1 million de Juifs. Parmi ces derniers, près d’un million y seront assassinés dont 69.000 Juifs de France. Après deux heures d’avion, nos étudiants arrivent à Cracovie. Ils vont alors prendre le bus. 70 kilomètres plus tard, ils arrivent à destination. Plus exactement à Auschwitz II (Birkenau), le camp d’extermination. Première surprise de taille : le sinistre endroit est situé en bord de route.
Juste à côté d’habitations de particuliers. A peine dehors, les jeunes ont droit à cette forte odeur de charbon. Il a neigé, le paysage semble désolé. Au lointain, on entend des chiens aboyer, et même, détestable coïncidence, le bruit de wagon sur les rails. La pluie tombe ; personne ne songe à s’en plaindre. Forcément.
![]() Un camp qui semble n’avoir pas bougé depuis 60 ans. |
Alors il raconte sans détour l’enfer qui fut le sien dans ce lieu « où l’on a pratiqué de manière logique et méthodique » pour un seul but : l’extermination d’êtres humains.
Et les lycéens de découvrir des pièces comme les sanitaires « véritables lieux de tortures » : « Nous avions tous la dysenterie. Il m’est arrivé de venir ici jusqu’à 30 fois par jour. Non pour me soulager mais bien me vider. Tout le monde pouvait voir tout le monde et poussait de cris de douleurs effroyables ».
La visite l’après-midi à un rythme toujours aussi soutenu d’Auschwitz I, camp de concentration, poursuivra cette incursion de nos élèves dans l’horreur la plus totale. Plusieurs s’émouvront d’ailleurs du contraste saisissant entre le grand confort du voyage qui leur est offert et les conditions épouvantables de ceux qui vécurent là. Représentant le président de la Région, Gérard Berthiot n’a pu que saluer ce formidable travail de mémoire.
Olivier Laleu, du Mémorial de la Shoah aura ces mots :
« Qu’on soit juif ou pas, on se sent concerné par un pareil endroit. Cette logique génocidaire, cette organisation industrielle poussée à son paroxysme s’était déjà produite avant (en Arménie, en 1917) ainsi qu’après (Rwanda en 1994). Il nous appartient de comprendre. et rester vigilants ! ».
Un voyage d’étude pas tout à fait comme les autres
Depuis 2004, la Fondation pour la mémoire de la Shoah a initié un programme d’envergure nationale de voyages d’étude à Auschwitz en direction des scolaires. Elle en a confié la réalisation au Mémorial de la Shoah.
En trois ans, plus de 200 établissements et près de 8.000 élèves et professeurs de toute la France se sont rendus à Auschwitz, dans le cadre de projets pédagogiques donnant lieu à une préparation rigoureuse et à un travail de restitution.
Pour la première fois, cette initiative était organisée pour les classes de Champagne-Ardenne.
Une trentaine de lycées de l’académie ont ainsi présenté des projets pédagogiques fort intéressants.
Un jury, composé de représentants du Mémorial et du Rectorat, en ont sélectionné sept, soit près de 160 élèves et enseignants.
L’essentiel du financement est assuré par la Fondation pour la mémoire de la Shoah, avec la participation du conseil régional de Champagne-Ardenne (2000 euros) dont une délégation conduite par son vice-président Gérard Berthiot, a participé à ce déplacement.
Impressions de lycéens argonnais
![]() David Calpétard
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![]() Alexandrine Guichard
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« Ça fait mal au coeur de savoir comment les gens vivaient ici ; dans des conditions tellement horribles ! On voit où et comment cela s’est passé. On fait le même chemin que les victimes, on tente de se mettre à leur place… C’est sûr que c’est une sacrée expérience à vivre ».
![]() Aurore Richl
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![]() Nicolas Courtial
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« C’est assez dur ,car rien ne nous est caché, tout est montré ou représenté. On jurerait que cela n’a pas bougé depuis la guerre. Il y a des choses qui ont été refaites mais on ne dirait vraiment pas. Voir de nos yeux le crématorium, là où des gens ont été tués fait forcément quelque chose. C’est beaucoup d’émotion. ».
« J’avais déjà consulté pas mal de photos sur Internet, avant ce voyage. Aussi, voir ça sur place, en soi, ça ne parle pas forcément trop. Mais quand comme nous, on a droit en même temps aux commentaires d’un rescapé, de quelqu’un qui a vécu ça lui-même, on réalise soudain vraiment ce que ces personnes ont vécu-là, comme ce devait être horrible ».
![]() Rudy Michelet
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![]() Samira Ziani
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« Ce qui m’a plutôt surpris c’est que rien ne semble avoir bougé : les barbelés, les miradors… Je ne m’attendais pas à ce que cela soit si bien conservé. On imagine donc bien les gardiens postés tout autour de nous dans les tours. Ce qui est surprenant aussi, c’est de découvrir que le camp est installé juste à côté de la route, des habitations…En plus aujourd’hui, on a même de la neige ! »
« Je m’attendais à ressentir peut-être plus de choses encore. Quelque part, je me sens un’peu gênée d’être ici. Comme si l’on était des voyeurs… C’est triste de se dire que des gens sont venus ici par le passé, qu’ils ne savaient pas ce qui allait leur arriver. Nous, on fait à peu près le même chemin qu’eux aujourd’hui, sauf qu’on sait très bien qu’on retournera après bien au chaud chez nous. ».